LYON

Jean-Claude SEGUIN

Lyon, chef lieu du Rhône (France), compte 430 000 habitants (1894).

1895

Le Cinématographe Lumière au Congrès de l'Union Nationale des Sociétés Photographiques (Palais de la Bourse, 10-13 juin 1895)

C'est entre le 10 et le 13 juin 1895 que se réunissent à Lyon les membres de l'Union Nationale des Sociétés Photographiques de France. Une occasion exceptionnelle pour les frères Lumière de présenter à la communauté scientifique le cinématographe qui est né à peine six mois plus tôt, en décembre 1894. Quelle meilleure publicité que d'organiser des tournages et des projections de vues animées Lyon. C'est le 11 juin 1895, au soir, au Palais de la Bourse que les frères Lumière offre une séance où ils projettent quelques vues tournées au préalable :

Le soir, au Palais de la Bourse, séance de projections dans laquelle sont montrées des vues dues à MM. Londe, Bourgeois, des Fossés, Bucquet, Malatier, Mathieu, Rolland, Drouet, Balagny et enfin une série de scènes animées saisies par le cinématographe de MM. Lumière, ainsi que des projections en couleurs obtenues également par MM. Lumière, d'après le procédé de Cros et Ducos. Le succès de ces deux dernières présentations a été considérable et une chaleureuse ovation a été faite aux deux savants dont les travaux font réaliser de si grands progrès à la science photographique.


Bulletin du Photo-club de Paris, Paris, 1895, p. 204.

lyon 1895 congres photographes
Congrès de Photographie de Lyon. Juin 1895. Phototype Spazin.
Source: De Baecque (2012)

Au cours de cette séance, les spectateurs privilégiés vont pouvoir découvrir huit films, évoqués dans le compte rendu publié dans le Bulletin de la Société française de photographie

Les sujets qui ont successivement défilé devant les yeux d'une assemblée complètement enthousiasmée et dont les applaudissements frénétiques soulignaient chaque phase de l'épisode représenté ont été :
1 ° La sortie des ateliers de l'usine Lumière à Monplaisir. Femmes, hommes, enfants se pressent pour aller déjeuner : les uns à pied, les autres à bicyclette. Quand les ouvriers ont disparu, les patrons sortent aussi en voiture pour aller prendre leur repas. C'est la vie intense prise sur le fait. Cette projection a eu d'ailleurs les honneurs du bis ;
La place de la Bourse de Lyon, avec sa circulation active de piétons, de voitures et de tramways;
La leçon de voltige, où la nouvelle recrue apprend à sauter à cheval, à y rester assis, à en descendre, etc.;
4° Les forgerons qui martèlent le fer;
Le bébé qui cherche à saisir, dans un grand bocal, les poissons qui y nagent et qui montre à ses parents l'étonnement qu'il éprouve de ne pas mieux réussir dans sa tentative ;
6° L'incendie que des pompiers pleins de zèle combattent avec succès, grâce à une forte pression d'eau qu'on ne trouve pas toujours aussi facilement, dans les cas semblables, surtout à Paris;
Le jardinier qui arrose son jardin avec une lance, suivant la mode actuelle, et qui est interrompu dans son travail par un loustic qui pose le pied sur le tuyau d'arrivée ;
L'enfant qui est en train de goûter et dont tous les mouvements et tous les jeux de physionomie sont admirablement rendus.


Bulletin de la Société française de photographie, 2e série, Tome XI, nº 16, 1895, p. 396.

Le lendemain, mardi 11 juin, malgré un temps assez médiocre, deux vues sont tournées, l'une d'elle à Neuville-sur-Sâone, au débarcadère. Un premier reportage qui est, en même temps, un "coup" puisque la plupart des photographes présents sont immortalisés sur la pellicule :

Union Nationale des Société Photographiques de France
Session de Lyon. 1895
[...] 
Après un premier arrêt à l'Ile Barbe, le vapeur stoppe la hauteur des îles Roy. Là, une ondée formidable s'abat sur les promeneurs. Heureusement la pluie cesse à l'arrivée à Neuville.
M. Lumière profitant d'un rayon de soleil pour photographier au cinématographe la sortie des passagers, braque son appareil sur le débarcadère.


Bulletin du Photo-club de Paris, Paris, 1895, p. 204.

Ne reste plus qu'à projeter les deux "photographies animées", le surlendemain, 12 juin devant un public médusé qui se reconnaît sur l'écran :

Union Nationale des Société Photographiques de France
Session de Lyon. 1895
[...]
Encore un grand succès pour MM. Lumière, qui ont projeté la série de vues prises par eux à la sortie du bateau, à Neuville, puis une autre scène reconstituant d'une manière si vivante et si animée une conversation entre M. Janssen et M. Lagrange.


Bulletin du Photo-club de Paris, Paris, 1895, p. 206.

En profitant de façon tout à fait astucieuse de ce Congrès de Photographie, les frères Lumière réussissent à intéresser immédiatement un nombre considérables de photographes qui sont autant de relais qui se mettent ainsi en place pour la diffusion et le réseau futur du cinématographe.

Le Cinématographe Lumière à la Société d'Agriculture, Science et Industrie de Lyon (26 juillet 1895)

À peine quelques semaines plus tard, un nouvelle présentation de vues cinématographiques a lieu lors de la séance du 26 juillet 1895 de la Société d'Agriculture, Science et Industrie de Lyon. C'est Louis Lumière qui va exposer le principe du nouvel appareil : 

La parole est ensuite à M. L. Lumière qui expose le principe d'un nouvel appareil, le Cinématographe, qu'il a imaginé avec M. A. Lumière, et qui permet non seulement d'analyser le mouvement, mais aussi de faire sa synthèse rigoureuse pour notre œil.
[...]
MM. Lumière projettent alors sur un écran, toute une série d'épreuves qui montrent la précision avec laquelle fonctionne leur appareil et donne l'illusion de scènes animées les plus diverses telles que : La sortie des ouvriers de l'usine Lumière ; une brimade dans une caserne; une scène de voltige dans un manège ; l'incendie d'une maison ; des forgerons se livrant à l'exercice de leur métier, où l'on peut observer une synthèse parfaite de la fumée ; une vue de Lyon ; la place des Cordeliers, etc., etc.
Toutes ces scènes donnent une illusion complète du mouvement et sont produites en agissant simplement à la main sur une manivelle par le mouvement de laquelle toute la série des opérations citées se succèdent avec une précision mathématique.
Après ces remarquables présentations saluées par de nombreux applaudissements MM. Lumière invitent tous les membres présents à visiter leurs importantes usines où chacun peut se rendre compte de tous les détails de la fabrication des plaques au gélatinobromure d'argent, des papiers sensibles, et enfin des divers produits chimiques utilisés en photographie.
M. le Président adresse à MM. Lumière au nom de la Société tous ses remerciements et lève la séance.


Annales des sciences physiques et naturelles, d'agriculture et d'industrie 1895, Lyon, Société d'Agriculture, 1896, p. XLVII-XLIX.

Là encore c'est la dimension scientifique qui est privilégiée, mais la presentation des vues Lumière ne peut que faire réagir une assemblée, par ailleurs, acquise à la cause des inventeurs.

Le Cinématographe Lumière au banquet du Conseil Général (Salon Monnier, 27 août 1895)

C'est dans les salons Monnier, sur la place Bellecour, que le Conseil Général offre un banquet à M. Rivaud à l'issue duquel des projections animées sont organisées par les frères Lumière :

A l'issue du banquet, les conseillers généraux ont admiré les merveilleuses projections de la photographie vivante, faites par MM. Lumière fils, au moyen de leur appareil, le Cinématographe. Ils ont applaudi surtout les projections de photographies d'amateurs de deux de leurs collègues, MM. Lagrange et Bedin, ainsi que les projections de la photographie en couleurs découverte par MM. Lumière fils.


Le Progrès, Lyon, mercredi 28 août 1895, p. 3.

Le Cinématographe Lumière au Syndicat des propriétés immobilières (1er décembre 1895)

Mais le cinématographe est également un spectacle à lui tout seul et c'est sans aucun prétexte scientifique qu'il est présenté lors de soirées privées, comme le banquet annuel de la Chambre syndicale des Propriétés immobilières, le dimanche 1er décembre. Le clou de la réunion est constitué par la nouvelle invention qui n'a pas encore été présentée de façon officielle à un public :

[...] La soirée s'est terminée par un séance de plus intéressantes de projections à la lumière oxhydrique par MM. Boulade frères.
Le kinétoscope de MM. Lumière a obtenu un succès fou auprès de l'assistance.


Lyon républicain, Lyon, 2 décembre 1895, p. 2. 

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