Louis JANIN

(Villebois, 1859-Lalleyriat, 1919)

janinlouis
© col. grimh

Jean-Claude SEGUIN

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Jean-Baptiste Janin épouse Marie, Louise Desvignes. Descendance :

  • Louis, Gabriel Janin (Villebois, 14/05/1821-Villebois, 25/06/1879) épouse (Nantua, 17/07/1849) Jeanne Piquet (Lyon, 27/07/1832-). Descendance :
    • Louis, Eugène Janin (Villebois, 26/04/1859-Lalleyriat, 11/08/1919) épouse (Fontaines-sur-Saône, 11/11/1889) Charlotte, Marie Longuemare (Déville, 03/10/1858-). Descendance :
      • Charles, Victor, Marie, Francisque Janin (Lyon, 22/02/1892-Lyon 3e, 18/07/1969).

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Les origines (1859-1895)

Il exerce le métier de marchand de pierres au moment d'accomplir ses obligations militaires, comme engagé conditionnel, en 1878. Son livret militaire permet de compléter l'information sur cette période. Par la suite, il dirige une société électrique à Lyon.

Le cinématographe Lumière (1896)

Après avoir fait sa demande passeport et de visa du consulat de Turquie à Lyon, en avril, il part de Lyon et compte installer le cinématographe Lumière dont il est concessionnaire. Accompagné d'un collaborateur, ils passent, dans les derniers jours du mois, par Zurich où ils croisent la route de Philippe Rivoire, un compatriote :

Parti de Zurich, je suis heureux de faire la rencontre, sur le bateau à vapeur qui me fait traverser le lac de Constance, de deux Lyonnais allant installer le Cinématographe Lumière à Constantinople. Bien qu'il n 'y ait pas encore longtemps que j'aie quitté Lyon, cela me fait plaisir de rencontrer des compatriotes avec lesquels je puisse parler français.
Le bateau nous débarque à Lindau. Nous nous apercevons tout de suite que nous sommes en Allemagne à la grossièreté d'un employé qui nous malmène en allemand parce que nous mettons un peu trop de lenteur à lui montrer nos billets.


Philippe Rivoire, "Impression d'un horticulteur en Allemagne", Lyon horticole, Lyon, 1er juillet 1896, p. 256.

La correspondance conservée aux Archives Diplomatiques permet de suivre les étapes complexes de ce parcourt. Il éprouve les plus grandes difficultés à Constantinople car l’électricité y est interdite et il ne peut faire fonctionner l’appareil : 

Monsieur
J'ai l'honneur de solliciter votre haut et bienveillant appui pour me faire obtenir de la préfecture de police, une autorisation de laquelle dépend la réussite ou l'insuccès d'une entreprise Française.
Il s'agit, Monsieur l'Ambassadeur, de l'exploitation à Constantinople du Cinématographe Lumière, dont toutes les revues scientifiques de France et du monde ont parlé, et à laquelle Paris, Londres, Berlin, Vienne et toutes les grandes villes marquent actuellement un si vif intérêt.
Cet appareil dont le but est de reproduire en photographie le mouvement, et, par ce fait, les scènes de la vie les plus variées, n'est complet et ne peut fonctionner que s'il est muni d'une lampe électrique, une seule. Pour cela, il faut, une petite machine électrique, dite de "laboratoire".
Une machine par conséquent ne pouvant causer le moindre danger, et qu'un enfant peut toucher impunément. Or j'ai appris en arrivant a Constantinople que l'électricité est interdite, et, je crains qu'on ne confonde ma simple projection électrique, avec une installation destinée, soit à l'éclairage public, soit a l'éclairage particulier.
C'est pour parer à cet inconvénient et aux désagréments qui peuvent en résulter que j'ai recours a votre protection, persuadé Monsieur I' Ambassadeur que vous userez de votre haute influence pour faire tomber un malentendu, gros de conséquences pour moi. Respectueux de tous les usages du pays, il me serait pénible d'avoir à encourir un blâme très facile à éviter.
Me permettez-vous d'ajouter que de cette autorisation peut résulter pour moi un vrai désastre financier. Je suis ici depuis quinze jours avec trois jeunes gens venus de Lyon. J'ai pour l'obtention de mon appareil, les voyages, séjour ici, etc., etc. fait des frais énormes. Le retour serait désastreux. Personnellement avant de quitter Lyon, j'ai renoncé à une situation importante que je ne retrouverai plus. Peut-être en est-il un peu ainsi de mes aides?
Pour ces graves raisons, j'ose espérer, Monsieur l'Ambassadeur que vous me ferez obtenir une autorisation, insignifiante en elle-même, mais de laquelle dépend la situation de votre très respectueux et très reconnaissant serviteur.
[signature] L. Janin
à l'Union française
à l'Odéon
Je prendrai l'engagement de faire constater que mon appareil électrique n'est vu d'aucun spectateur ne sert bien que pour une projection lumineuse, qu'il entre tel jour chez moi, et pour le temps seulement qu'on voudra bien m'accorder.
[signature] L. J.


Louis Janin, à l'Ambassadeur de France à Constantinople, vendredi 22 mai 1896.

La démarche de Louis Janin et les explications qu'il fournit ne semblent avoir guère d'impact sur les autorités et deux jours plus tard, il tente à nouveau sa chance : 

Enregistré le 26 mai 1896
Monsieur,
Dans l'audience que vous avez bien voulu m'accorder Vendredi matin, il a été convenu que je vous apporterai, signé Monsieur La Coine, directeur des services techniques des Postes et télégraphes, un certificat attestant que l'appareil indispensable au fonctionnement du Cinématographe Lumière, est non seulement sans danger, mais qu'il ne ressemble en rien aux installations de lumière électrique. Les fêtes de Vendredi et Samedi, m'ont empêché de voir Monsieur La Coine.
J'ai donc le regret de ne pouvoir aujourd'hui remettre ce certificat entre vos mains.
Comme cette pièce ne me semble pas indispensable pour obtenir de la Préfecture de la Ville, l'autorisation sollicitée, je vous supplie Monsieur l'Ambassadeur de vouloir bien, quand même, ne pas retarder vos démarches. C'est avec une bien vive anxiété que j'attends cette autorisation, de laquelle dépend, je me permets de le répéter le succès ou le désastre de notre entreprise.
Oserai-je encore ajouter que des lenteurs dans l'approbation de ma demande auraient pour moi les conséquences d'un refus?
Comptant Monsieur I' Ambassadeur sur votre haute influence et sur vos bienveillantes promesses, je vous prie d'agréer, avec mes sentiments de profond respect, l'expression de ma très vive reconnaissance.
[signature] L. Janin
Comme vous avez bien voulu m'y autoriser je prendrai la liberté de me présenter a l'Ambassade aujourd'hui de 2 à 3 heures.


Louis Janin à l'Ambassadeur de France à Constantinople (dimanche 24 mai 1896)

Les jours passent et aucune solution n'est en vue alors que Louis Janin commence à penser que son voyage en Turquie est en train de tourner au fiasco. Il ne se décourage pourtant pas et quinze jours plus, il tente de relancer l'affaire en renouvelant sa demande d'aide à l'Ambassadeur : 

Enregistre le 9 juin 1896
Monsieur
Dernièrement, j'ai eu l'honneur de m'adresser à vous pour l’obtention d'une autorisation relative à l'Installation à Constantinople du Cinématographe Lumière.
Vous avez bien voulu prendre ma demande en considération ce dont je vous remercie profondément.
Aujourd'hui, je prends la liberté de vous renouveler cette demande, et de vous prier de me continuer votre bienveillant appui.
Voici quelles démarches ont été faites jusqu'à ce jour. Ma cause a été confiée aux soins de Monsieur Cuinet qui a vu, immédiatement Monsieur le Préfet de Police et Monsieur le Préfet de la Ville. Ces Messieurs ont bien voulu donner leur autorisation, mais à la condition que cette autorisation serait elle-même subordonnée à celle du Gr Maître de I ‘Artillerie.
C'est donc à l’Artillerie que Monsieur Huart m'a fait accompagner par Monsieur Emine. Son excellence Zekki Pacha nous a renvoyé au 1er président du Conseil, qui s'est abstenu, alléguant que la chose n'est pas de son ressort. Nous sommes allés enfin à l’Amirauté. Partout des accueils empressés, jamais de réponse définitive. Et ces démarches interminables, toujours infructueuses, entraînent pour moi un vrai désastre financier, et des peines sans nombre ! 
Je viens donc, sur les conseils de Monsieur Huart, solliciter de vous, qu'une démarche directe en définitive soit par votre puissante entremise faite auprès de S.M.J. Le Sultan. Je garde l'espoir que Sa Majesté ne voudra pas qu'un Français, venu pour lui offrir, à lui et à ses sujets une curiosité scientifique aussi intéressante que le Cinématographe, retourne en France, sans qu’on lui ait fait accueil. Ce Français serait Ie seul des entreprenants concessionnaires de MM. Lumière, a qui aurait été faite une si dure humiliation !
Je crois bien faire, Monsieur l'Ambassadeur, en vous renouvelant l’assurance que l'Installation électrique nécessaire à mon appareil, est d'une importance dérisoire ; que cette installation est sans danger aucun, qu'elle est très momentanée, enfin qu’elle pourrait être faite sous la surveillance d’un délégué du Ministère de la Marine.
Je me permets d'attendre avec confiance le résultat d'une démarche, grosse de conséquences pour moi. Un échec serait pour moi le retour en France, humiliant et désastreux.
Comptant, Monsieur I' Ambassadeur, sur votre haute et bienveillante autorité, je vous prie d'agréer, avec mes excuses et mes remerciements, I' expression de mon profond respect.
[signature] L. Janin
Le 7 juin 96 à "L'union Française". 


Louis Janin a l'Ambassadeur de France à Constantinople (7 juin 1896).

L'administration de la Sublime Porte - ministère des Affaires Étrangères - n'est guère pressée de donner l'autorisation dont a tant besoin Louis Janin. Il tente à nouveau de faire pression grâce à la médiation du drogman M. Rouet pour que la situation soit débloquée au plus vite :

Monsieur
Je vous prie d'excuser la liberté que je prends de vous rappeler au milieu de vos nombreuses et graves occupations, une requête que l’Ambassade de France a bien voulu prendre en considération iI y a plusieurs jours.
II s'agit pour moi d'obtenir du Gouvernement Turc l'autorisation d'employer une lampe électrique dans l'installation que je projette ici du cinématographe Lumière. Le Refus ou seulement le retard de cette autorisation, que j'attends chaque jour, va me causer un préjudice considérable et m'obliger à retourner en France avec mes employés après un séjour de 40 jours ici et des frais énormes irrévocablement perdus.
En même temps que cette autorisation je sollicite l’honneur de présenter a S. M. J le Sultan, cette merveille scientifique qui a si fort intéressé toutes les grandes villes.
Monsieur Huart a bien voulu m'informer déjà que ma cause a été prise en considération par Monsieur l’Ambassadeur de France. Je sais d'autre part qu'un rapport takrir a été dressé que ce rapport takrir a été porte au Grand Vézirat et que ce n'est plus qu'une question de temps. C'est ce temps-là que je vous supplie d'abréger. J'attends d'heure en heure !
Veuillez bien, Monsieur le 1er drogman, agréer, avec mes excuses et mes remerciements, I' expression de mes sentiments très distingués.
[signature] L. Janin.


Louis Janin à Monsieur Rouet, 1er drogman de l'Ambassade de France (Constantinople 26 juin 1896).

Au début du mois de juillet, la situation semble enfin pouvoir se régler, mais c'est sans compter la Direction des Postes et Télégraphes :

Monsieur
Je viens d'apprendre que grâce aux efforts de l'Ambassade de France, ma demande d'autorisation pour mon installation d'un Cinématographe ici, est en bonne voie. Je sais également que du Grand Vézirat, ma cause a été portée a la Direction des Postes et Télégraphes, qu'elle a été l’objet d'un rapport takrir absolument favorable, enfin qu'il retourne au Grand Vézirat.
La crainte de voir de nouvelles lenteurs se produire dans l’obtention de ma requête, me fait à nouveau m'adresser à votre obligeance pour que les choses soient faites aussi vite que possible. De nouveaux retards dans la marche de mon affaire, seraient pour moi aussi préjudiciables qu'un insuccès.
C'est donc, absolument forcé par les circonstances que je prends la liberté de vous importune ainsi.
Veuillez, Monsieur le Premier Dragman agréer mes excuses et mes salutations les plus distinguées.
Constantinople le 3 juillet 1896
[signature] L. Janin
PS. Ne pourrais-je pas, après vous en avoir soumis la teneur adresser une dépêche à sa Majesté Impériale le Sultan ?


Louis Janin à Monsieur Rouet 1er drogman de l’Ambassade (3 juillet 1896).

De guerre lasse, Louis Janin va finalement quitter la Turquie pour la Roumanie, en juillet 1896. Il faudra attendre le mois d'octobre 1896 pour que l'autorisation soit enfin donnée par la Sublime Porte : 

Enregistre le 9 octobre 1896
Priere de communiquer à M. Janin
En réponse au takrir de I' Ambassade de France en date du 17 juin dr. (v.s.) le Ministère des Affaires Étrangères à l'honneur de l'informer qu'un tradé de la Majesté Impériale le Sultan autorise Monsieur Janin à faire entrer à Constantinople la lampe électrique nécessaire au fonctionnement de son «cinématographe». Des instructions en conséquence ont été données à l'Administration Générale des Contributions Indirectes.


Note verbale de La Sublime Porte (Ministère des Affaires étrangères) à l'Ambassade de France (8 octobre 1896) 

Presque cinq mois pour obtenir cette autorisation. Autant dire que Louis Janin est ailleurs depuis longtemps. C'est en Roumanie qu'il reçoit, peut-être, cette dernière note :

M L. Janin
Poste restante
Bucarest (Roumanie)
M
J'ai l'honneur de vous faire savoir qu'une note de la S. Porte m'informe de la promulgation d'un tradé autorisation a faire entrer à Constantinople la lampe électrique nécessaire au fonctionnement de votre « cinématographe » des instructions ont été données à cet effet a l'Adtion Gle des contributions indirectes.
Recevez.
Cambon


Note de M. Cambon à l'attention de M. L. Janin (Recopiée le 22 octobre 1896)

Et après (1897-1919)

De retour en France, il reprend ses activités d'ingénieur civil comme en atteste un courrier de 1919.

Il décède accidentellement en 1919.

Remerciements

Les descendants de Louis Janin.

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