FOURMIES

Jean-Claude SEGUIN

Fourmies, commune du Nord, compte 14.771 habitants (1894)

1896

Le Cinématographe (Salle du Théâtre, décembre 1896)

Le Cinématographe qui arrive en décembre 1896 à Fourmies vient de donner des séances de photographies animées à Wignehies, et sans doute aussi à TrélonSains et Anor. La presse d'ailleurs évoque le succès des séances données à la salle Bonge de Wignehies :

Le Cinématographe à Fourmies. — Lundi et mardi ont été données, à la salle Bonge, à Wignehies, les premières séances de l'appareil cinématographique.
Cette étonnante invention, qui donne l'illusion absolue du mouvement et de la vie, a véritablement émerveillé les spectateurs.
Il ne manque que la parole au cinématographe. Mais patience, le phonographe aidant, on verra et on entendra tout et de partout, sans avoir à se déranger. C'est le thaumaturge Edison qui accomplit ces prodiges. « Venez, voyez, touchez, dit-il, ce n'est pas plus malin que ça et ce n'est encore que l'alphabet des merveilles que la science aidée de sa fille chérie l'électricité, nous réserve dans un avenir sans doute même prochain. »
Voici donc l'arrivée d'un train de ceinture en gare. On l'aperçoit là-bas dans la perspective, tout petit, sortant du tunnel, il arrive à toute vapeur, grossissant, grossissant. Il s'arrête sur vous, énorme et tout fumant ; les portières s'ouvrent ; les voyageurs qui attendaient courent et se bousculent pour monter, pendant que les autres descendent et se précipitent vers la sortie. C'est un chassé-croisé rendu avec une perfection inouïe. Le cinématographe ne fait grâce d'aucun détail, d'aucun mouvement ; c'est d'un réalisme à faire sécher de jalousie Émile Zola !
En bien moins de temps que je n'en mets à le raconter, l'illusion s'est évanouie, le train a disparu.
Contraste ! C'est maintenant le départ d'un steamer. Il sort majestueusement du port, précédé d'un caboteur ; l'eau bouillante domptée par l'hélice ; les passagers, rassemblés en masse sur le pont, agitent leurs mouchoirs, le timonnier est à la barre, c'est la Normandie qui vogue vers New- York ou ailleurs, adieu !
Et ces lutteurs, ces artilleurs, et cette Loïe Fuller dans sa danse captivante et si suggestive et ces couleurs changeantes, et le défilé du cortège du Tsar à Paris, etc., etc.
Et aussi défilent devant les yeux, nombre de tableaux de la vie réelle, fixés à jamais dans leur mobilité, par la lumière et le fluide électrique. Où irons-nous ? Bah ! laissons- nous conduire !
Le cinématographe a eu mardi dans la salle Bonge, les honneurs de la soirée et les applaudissements nourris des spectateurs ont pu convaincre l'opérateur de la satisfaction du public.
Une séance doit avoir lieu à Fourmies ce soir samedi, salle du Théâtre, à 8 h. 1/2, et l'on peut croire que cette salle sera trop petite pour contenir les spectateurs qui voudront voir la plus curieuse invention de notre époque.
B…
Une deuxième séance aura lieu dimanche soir.Journal de Fourmies, Fourmies, 6 décembre 1896, p. 2.

Si est vrai que l'origine de ce cinématographe n'est pas indiquée dans la presse, le répertoire des films renvoie directement au catalogue Gaumont. Dans la mesure où le chronophotographe Demenÿ a un format de 60 mm, il suffit qu'un seul film soit identifié pour que l'on puisse considérer que tout le répertoire vient de cet éditeur de films. Ce sont finalement quatre soirées, du samedi 5 au mardi 8 décembre, qui sont organisées pour le public fourmisien. L'appareil utilise la lumière oxhydrique et non pas l'électricité, mais ce qui semble remarquable c'est la dimension de l'image, même si la trépidation reste un problème non encore totalement résolu :

Le cinématographe —Un appareil enregistreur du mouvement a attiré samedi, dimanche, lundi et mardi, au théâtre, un grand nombre de personnes, curieuses de voir cette nouvelle application de la photographie et qu'on peut appeler la photographie animée. Ce n'est en somme qu'un rouleau qui porte pour une seule scène, plusieurs centaines de photographies prises instantanément et qui, déroulées très rapidement, donnent l'illusion de la vie.
Les photographies sont projetée , considérablement ; agrandies, sur un écran éclairé à la lumière oxhydrique.
Certaines scènes étaient admirablement réussies : le marché aux lapins et aux choux fleurs ; l'arrivée d'un train, avec la bousculade des voyageurs et de leurs colis ; le départ d'un paquebot, l'école de natation, la salle de bain ; l'arrivée du Czar, la danse serpentine.
Sans la solution de continuité que cause fatalement le passage d'une épreuve à l'autre et qui occasionne comme une sorte de trépidation, on croirait assister, de loin, à la scène représentée.
Le cinématographe enregistre et reproduit les faits avec une fidélité indéniable ; ce n'est pas la dernière surprise que nous réserve la photographie.


Journal de Fourmies, Fourmies, 10 décembre 1896, p. 2.

La presse consultée ne nous offre plus d'autre information sur ce cinématographe qui poursuit sans doute sa route...

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